Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/254

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Spirales de vapeurs, couronnes de fumées,
Par l’éclat rougeoyant de l’aurore allumées
Au haut des cieux sans fond.

Ô vierge, à tes beaux yeux il a laissé des cernes :
Venez, nous vous mettrons un limpide bandeau.

Au Sérail

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le sultan souleva du bout de sa babouche,
La portière orangée, au chatoiement profond,
Où courait un reflet doré, comme une mouche
Vermeille, sautillant pour grimper au plafond.

Une lampe discrète éclairait d’un jour pâle
Un divan chamarré que tachaient trois corps nus,
Trois femmes aux poignets cerclés d’or et d’opale,
Qui brûlaient, en chantant, des parfums inconnus.
Les vapeurs de l’encens qui montaient toutes blanches
En volutes lécher les boutons de leurs seins,
D’un voile transparent les couvraient jusqu’aux hanches
Et faisaient trembler l’air au-dessus des coussins.

Un mince filet d’eau tombait dans une vasque
De porphyre veiné de couleuvres d’azur.
Une esclave frappait sur un tambour de basque
Dont le battement sourd espaçait leur chant pur ;
La plus brune appuyait sa tête enveloppée
D’un turban crème et pourpre au rebord du divan
Et chantait en mineur sa triste mélopée
Comme pleure au désert la complainte du vent.

Elle pleurait la douce odeur évaporée
De l’amulette grise au parfum de safran,
Cœur sec d’une gazelle à la peau mordorée,
Qu’un mollah bénissait aux rites du Coran,