Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/289

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La forêt nous a vus balbutiant nos serments,
Epanchements d’amour, confidences d’amants.
L’étang nous a mirés dans ses eaux irisées,
Effeuillant dans son sein des pétales brisés,
Ou glissant sur ses bords, parmi l’herbe tombés,
Tandis que je baisais des petits pieds bombés.
Le vent nous entourait des fraîcheurs de ses brises,
Effleurant nos cheveux de caresses éprises ;
De doux yeux de gazelle aux reflets languissants
Nous épiaient aux détours des taillis frémissants ;
Sous les halliers épais, à travers la feuillée,
Nous marchions enlacés, foulant l’herbe mouillée,
Riant au fond des bois aux bengalis moqueurs,
Cachant à vos regards les élans de nos cœurs,
Amoureux de la nuit et de ses sombres voiles
Qui ne laissent guetter que les yeux des étoiles…

Seigneur ! j’ai dérobé ton mystique secret —
Courbé sous tes genoux — j’attends votre décret.

LES VIERGES

Nous allons, nous aussi, sur les rives des mares ;
Détachant la nacelle et coupant ses amarres,
Nous glissons sur les eaux,
Ecoutant les chansons des grenouilles plaintives
Qui coassent au soleil et replongent furtives
Au milieu des roseaux.

Quelquefois, au retour, nous marchons enlacées,
Nous tenant, nous serrant, nous soutenant lassées,
De nos flexibles mains ;
Mais nous ne savons pas tous ces baisers nocturnes,
Qui chassent tout à coup les hiboux taciturnes
Des taillis des chemins.