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Le Poète de la prose

Car Marcel Schwob est vraiment un poète. “Mon cher poète”, lui avait écrit gentiment Alphonse Daudet à ses débuts. Mais en nommant à notre tour Marcel Schwob un poète, nous ne voulons pas dire qu’il ait écrit des vers. En réalité, il en a écrit des milliers, enfant, sous l’influence de Hugo ; adolescent, sous celle de Baudelaire. Faut-il en parler ici, puisque ces vers le mettaient en fureur et qu’une allusion qu’y fit un jour Mme  Daudet fut presque jugée offensante par lui ? Mais ses vers en valent beaucoup d’autres, surtout ceux où il évoqua les filles et les bouges, où il jargonna comme François Villon.

En réalité, ses vers furent un excellent exercice d’assouplissement pour sa prose. Mais Marcel Schwob écrit surtout des poèmes en prose ; je ne trouve pas d’autre terme pour qualifier les livres attendrissants, charmants et subtils, que sont le Livre de Monelle, Mimes et La Croisade des Enfants.

Qui sait si Marcel Schwob ne nous a pas donné là le meilleur de son âme sensible et musicale ? Qui sait si, persistant dans cette voie, il n’aurait pas été le poète de la prose que Charles Baudelaire avait annoncé ?

Mais un esprit comme le sien est trop doué, ne persiste en rien. Il va plus loin, ailleurs. Il est toujours en marche, comme l’Ahasvérus où il voyait le symbole de l’âge moderne.

C’est l’aventure de son esprit que la maladie et une vie trop courte arrêtent si tôt.