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XXX
MARCEL SCHWOB

les jeunes ; il a le don de l’amitié et de l’admiration. Il dira de ceux qu’il aurait pu considérer comme des rivaux : “J’étais sûr d’eux, je ne me suis jamais trompé.” Il était certain du génie de Claudel.

Je pense aussi à ses belles conversations, coupées de lourds silences, à ce qu’il a dit un soir à Paul Léautaud sur la précipitation et l’abondance avec lesquelles on écrivait : “Oui, oui, je le sais bien, et c’est vraiment ce qui me serait impossible. Je n’écris, je ne peux même écrire que quand je sens quelque chose à dire, et seulement même quand je me sens tout à fait le besoin de le dire…” Cependant, ce soir-là je n’ai pas souri, même en moi-même. Je savais que rien des livres de Marcel Schwob ne démentait ce qu’il venait de me dire…” — Marcel Schwob ne croyait pas à la gloire littéraire. Il savait le peu qui demeure des livres. Il répétait que la survivance est aux petits livres, à ceux qui ont peu écrit, qu’il était bien tranquille pour Baudelaire.

Marcel Schwob ne croyait pas plus au don de création, et pour dire, à l’originalité. Il savait que tout avait été dit et oublié. Son art, c’était le don de choisir et d’amalgamer. Il retrouvait l’origine de tous les livres. Il n’ignorait pas que les siens étaient faits de beaucoup d’autres. “Rien n’est nouveau en ce monde que les formes”, aimait-il à répéter ; et il enseignait que nous n’avons plus qu’à “bien écrire”.

Marcel Schwob rendait le son d’un descendant des Rabbins de Tibériade ; et c’est pour cela, sans doute, qu’il n’avait pas d’âge. Enfant, il est grave, comme à la fin de ses jours. À la fin de ses jours, Marcel Schwob conservait encore dans ses yeux la clarté de l’enfance. Il a porté en lui l’aventure de