Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/64

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Marcel Schwob a vingt et un ans. Il n’est plus l’écolier qui fait l’étonnement de ses camarades par le côté brillant et pervers de son esprit. Il a écrit, en 1888, beaucoup de vers, d’une forme déjà rare, des contes où sa personnalité est marquée, des récits qui sont d’un réalisme cruel ou bien remplis de poétique sensibilité. Ses parents imaginent qu’il va continuer à travailler sagement et chercher à obtenir son agrégation afin d’entrer dans l’arche sainte qu’est l’Université pour son cher papa et sa maman bien-aimée. Mais, en réalité, Marcel Schwob travaille à sa manière, fait des recherches personnelles, remonte aux sources. Il fera graver sur sa carte de visite : Marcel Schwob, licencié. Il donne quelques leçons, et il s’installe chez lui dans sa petite chambre de la rue de l’Université. Il fait de la paléographie grecque, copie tout Villon. Il connaît parfaitement l’argot des gens de la Villette et la langue des bouchers, le louchebem. Sa première étude, qui va paraître en collaboration avec Georges Guieysse, est le remarquable Essai sur l’argot français. Marcel Schwob suit de loin Stevenson et ses aventures ; il commence à travailler aux Archives Nationales et va donner à l’Événement une série d’articles remarqués et remarquables (1891).

Les poésies et quelques essais que l’on trouvera dans le présent volume, écrits entre 1888-1889, donnent une idée de la richesse, des dons variés de l’esprit du jeune homme qui, suivant le mot d’Alphonse Daudet, “avait la tête pleine”. Il lit beaucoup et traduit Walt Whitman. En 1889, il parcourt l’Exposition, en rapporte des impressions d’humour où se retrouve l’empreinte de Mark Twain. Le très bel essai sur Eschyle et Aristophane date du temps où il préparait son agrégation, où l’étudiant faisait à la Sorbonne, aux côtés de ses maîtres, Brochard entre autres, des conférences pour s’entraîner à l’examen, en 1890. Mais quel est celui de ses maîtres qui aurait rédigé ces belles pages ?

Marcel Schwob est rebuté par les examens, et les examinateurs : il se dégoûte et renonce à la carrière universitaire. Il sera un homme de lettres, un écrivain qui écrit pour le plaisir d’écrire, plus que pour les cinquante francs que Magnier lui donne, ou plutôt lui promet, pour chaque article de l’Événement. Car parmi les gens de lettres il a eu du moins la satisfaction de voir son talent reconnu : ce qui ne lui était pas arrivé à l’Université. Et Paul Arène a dit, en plein café Voltaire, que seul son article sur Banville était réussi. Il se console ainsi, puisqu’Alphonse Daudet l’a pris sous sa protection, l’a présenté à Goncourt, et qu’il fait partie, comme