Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/76

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Violette

Vois-tu, mon oncle, c’était un vieux bonhomme, très vieux, très vieux. Il était tout cassé, tout bossu, tout chose. Et il jouait de l’orgue de Barbarie. Ça, vois-tu, ça m’est resté dans la mémoire parce que j’aime ça, l’orgue de Barbarie. Ça vous a des sons qui filent, qui filent, on dirait comme une fille qui chanterait. Mais ce vieux-là, son orgue était tout cassé. Et quand il tournait la manivelle, voilà que ça sortait, — et c’était joli, joli. Et puis, tout-à-coup, ça s’arrêtait ; on ne savait pas pourquoi. On aurait dit comme si elle avait été enrouée. Vrai, moi je l’aimais ce bonhomme-là. D’abord il avait de bons yeux ; des yeux bleus, si profonds, si profonds qu’on aurait dit presque comme la mer. — Alors — et puis il avait une longue barbe blanche, si belle, si belle, tiens comme le poil de Moumou. Eh bien, vois-tu, Tonton, quand j’étais chez papa, ce bon-