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Pensée

Il y avait une fois un homme qui n’avait pas confiance en lui-même. C’était un homme très savant, qui connaissait toutes les langues d’autrefois et savait toute science à merveille. Mais il croyait ne pas les savoir. Il travaillait souvent bien avant dans la nuit ; il écrivait et lisait dans de gros livres reliés en peau de veau et en parchemin ; je crois qu’il savait l’hébreu et le chinois. Et, à force de travailler, sa figure avait maigri et ses yeux clignotaient au jour comme ceux d’un hibou. Mais il travaillait, toujours dans ses gros manuscrits, et nul ne savait ce qu’il faisait. Dieu, quel homme c’était ! Mais il n’avait pas confiance en lui-même : c’est ce qui le perdit. Lorsqu’il avait écrit deux pages, et qu’il les relisait, il les trouvait mauvaises, les déchirait et les brûlait. Et bien qu’il fût beau et bien fait de sa personne, il n’osa pas s’approcher d’une femme