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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

duit, à ce qu’on assure, plus de pauvres qu’elle n’en soulage.

CAROLINE.

Voilà que je n’entends pas.

MADAME B.

Comme le pauvre sait que sa paroisse est tenue de pourvoir à ses besoins, il redoute moins l’indigence, que s’il devait souffrir tous les maux qu’il s’attire. Quand un jeune homme se marie sans être en état de nourrir sa famille par son travail, et sans avoir fait aucune épargne pour les cas d’accident ou de maladie, il compte sur sa paroisse, comme sur une ressource qui ne peut lui manquer. Un ouvrier dissipateur sait que, s’il dépense au cabaret le salaire de son travail, au lieu de l’employer à l’entretien de sa famille, le pis qui puisse en arriver est que sa femme et ses enfants aillent à la maison des pauvres. Ainsi l’assistance de la paroisse devient la vraie cause des maux qu’elle fait profession de guérir.

CAROLINE.

Il me semble qu’elle encourage la plus fâcheuse espèce de pauvreté, celle qui est l’effet de la paresse et de la mauvaise conduite.

MADAME B.

La plus pernicieuse des conséquences qu’entraînent de tels établissements, est qu’ils font baisser le prix du travail ; ce que le capitaliste paie, à titre de taxe des pauvres, diminue nécessairement le salaire de ses ouvriers ; car si la taxe n’existait pas, le capital du pays serait beaucoup plus considérable, et par conséquent la demande de travail et la récompense du travail seraient plus grandes. Cet établissement fait en faveur des pauvres n’a d’autre effet que de distribuer sous forme d’aumônes, et trop souvent à des fainéants et à des libertins, la richesse qui devrait être la récompense de l’active industrie. Si le montant de la taxe des pauvres était ajouté au capital circulant du pays, l’ouvrier indépendant gagnerait de quoi vivre mieux lui et sa famille, et sans recourir à une ressource qui le dégrade, il pourrait encore pourvoir, par ses économies, aux besoins de la maladie et de la vieillesse.