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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

grande qu’à présent. Mais gardez-vous d’en conclure que la terre, qui entretenait cette nombreuse clientèle, produise moins aujourd’hui qu’alors. Ce produit au contraire a augmenté peut-être dans le même rapport qu’a diminué la consommation du ménage. La différence est que ce produit, au lieu de faire subsister une multitude d’oisifs, entretient probablement cent fois plus d’ouvriers indépendants et industrieux, dont une partie travaille à obtenir ce produit même et l’autre à fournir au grand seigneur les objets de luxe qu’il demande. C’est pour se procurer ces jouissances, qu’il a congédié sa suite et amélioré sa terre ; c’est ainsi qu’en ne songeant qu’à contenter ses désirs, il a contribué essentiellement au bien de son pays.

Voici un passage de la Philosophie politique de Paley sur le luxe, qui est digne de toute votre attention.

CAROLINE, lit.

« Il paraît que l’emploi d’une moitié du genre humain est de mettre l’autre à l’ouvrage ; c’est-à-dire, de faire faire des choses qui, en excitant les désirs, aiguillonnent l’industrie ; de provoquer ainsi l’activité de ceux, qui, par leur travail et leur habileté, pourvoient à tous les besoins de l’homme. Il n’importe pas au but principal du commerce, que les objets qu’il fournit soient ou ne soient pas superflus ; que le besoin qu’on en a soit réel ou imaginaire ; qu’il soit fondé sur la nature ou sur l’opinion, sur la mode, l’habitude, ou l’émulation ; il suffit qu’ils soient désirés et recherchés. Des villes florissantes sont élevées et alimentées par le commerce du tabac ; de populeuses cités subsistent par des manufactures de rubans. Une montre peut être un complément fort peu nécessaire de la toilette d’un paysan, mais si le paysan laboure la terre dans le but de se procurer une montre, la fin du commerce est remplie ; et l’horloger, au moment où il polit la boîte, ou lime les roues de la montre, contribue à la production du grain, moins directement, mais aussi efficacement, que s’il maniait la bêche ou la charrue. Si le pêcheur jette le filet, ou si le marin va chercher du riz au loin, pour se procurer le plaisir de faire usage de tabac, le marché est fourni de deux utiles denrées, à l’aide d’une marchandise qui n’a d’autre usage que de flatter un palais vicié. »