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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

qu’un terme comparatif, n’arrête pas même ce mouvement, une fois qu’il est imprimé ; au contraire, plus on opère en grand, plus la récompense est grande, et par conséquent plus est grande aussi la force du motif qui anime l’homme au travail.

On a vu que l’abondance se forme peu à peu par l’opération continue des mêmes causes qui ont produit la subsistance. Il n’y a donc point d’opposition entre ces deux buts. Au contraire, plus l’abondance augmente, plus on est sûr de la subsistance. Ceux qui blâment l’abondance sous le nom de luxe n’ont jamais saisi cette considération.

Les intempéries, les guerres, les accidents de toute espèce, attaquent souvent le fonds de la subsistance ; en sorte qu’une société, qui n’aurait pas de superflu et même beaucoup de superflu, serait sujette à manquer souvent du nécessaire ; c’est ce qu’on voit chez les peuples sauvages. C’est ce qu’on a vu fréquemment chez toutes les nations, dans les temps de l’antique pauvreté. C’est ce qui arrive encore de nos jours dans les pays peu favorisés de la nature, tels que la Suède, et dans ceux où le gouvernement contrarie les opérations du commerce, au lieu de se borner à le protéger. Mais les pays où le luxe abonde, et où l’administration est éclairée, sont à l’abri de la famine. Telle est l’heureuse situation de l’Angleterre. Des manufactures de luxe deviennent des bureaux d’assurance contre la disette. Une fabrique de bière ou d’amidon se convertira en moyen de subsistance. Que de fois n’a-t-on pas déclamé contre les chevaux et les chiens comme dévorant la subsistance des hommes ! Ces profonds politiques ne s’élèvent que d’un degré au-dessus de ces apôtres du désintéressement, qui, pour ramener l’abondance des blés, courent incendier les magasins. »

CAROLINE.

Nous n’avions pas encore considéré le luxe sous ce point de vue. Je partageais, je l’avoue, l’opinion de ceux qui croient que les chiens et les chevaux dévorent la subsistance de l’homme ; mais il m’est bien plus agréable de penser que la nourriture, destinée par le luxe à l’entretien de ces animaux, se convertit en aliment de l’espèce humaine ; et s’il survenait une famine, ces animaux eux-mêmes pourraient offrir une ressource.