Page:Marcet - L’économie politique en vingt-deux conversations, 1837.pdf/307

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
295
SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

naient à maturité. Ils avaient ensemencé un champ de blé qui leur donna une récolte suffisante pour eux tous ; la difficulté était d’en faire de la farine et ensuite du pain. Ils essayèrent d’écraser le grain entre deux cailloux, mais cela prenait beaucoup de temps, et Jobson, qui avait une nombreuse famille à nourrir, n’y trouvait pas son compte.

« Qu’y a-t-il donc de merveilleux dans cette histoire ? demanda Tom ; je n’y vois ni fée ni géant.

— Tout vient à point à qui sait attendre, mon enfant, reprit le colporteur ; il faut être patient avec les vieillards : nous ne pouvons pas courir aussi vite que vous autres petits garçons. Écoutez la suite de mon récit.

« Comme Jobson se promenait un jour dans l’île, tout en pensant à ses fils qu’il aurait désiré voir déjà assez grands pour l’aider dans ses travaux, il pénétra dans une vallée qu’il n’avait point encore vue ; une rivière la traversait, et elle était ombragée par de beaux arbres. Cet endroit lui parut si agréable qu’il s’y arrêta longtemps, et il ne songeait pas à retourner chez lui, lorsque tout à coup sa vue tomba sur un objet qui le fit tressaillir et reculer.

— Oh ! s’écria Tom en frappant ses mains de joie, qu’est-ce que c’est que cela ? Ce ne peut être une fée, elle ne lui aurait pas fait peur.

— En effet, reprit le marchand, ce n’était pas une fée ; c’était un énorme géant étendu sur la terre. Jobson se disposait à fuir, lorsqu’il lui parut que le géant dormait, et qu’il avait d’ailleurs une de ces bonnes physionomies tout à fait inoffensives. Ses habits brillaient au soleil et reflétaient la verdure des arbres, de manière qu’il semblait vêtu d’une soie verte changeante. Comme Jobson le considérait avec surprise, le géant ouvrit les yeux et le regarda d’un air tout à fait bon enfant.

— Ce n’était donc pas un méchant géant ? dit Betty.

— Non, en vérité, répliqua le vieillard ; cependant lorsque Jobson le vit bien réveillé, il voulut partir ; mais le géant, sans faire un seul mouvement, de crainte de l’effrayer, le rappela d’une voix si douce que Jobson s’arrêta.

— Ne craignez rien, bonhomme ; de ce que je suis fort et puissant, il ne s’ensuit pas que je sois cruel, et je ne veux vous faire aucun mal.