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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

l’usage exige de lui un travail rude et pénible. Un des chefs du peuple de la Nouvelle-Zélande, qui, par ses relations avec les Anglais, avait appris à apprécier la valeur des outils, disait à M. Marsden, missionnaire anglais, que ses bêches de bois étaient brisées et qu’il n’avait pas de hache pour en faire d’autres ; ses canots étaient aussi gâtés, et il n’avait ni clous ni vrilles pour les raccommoder ; ses champs de pommes-de-terre étaient restés incultes parce qu’il n’avait pas de houes pour briser la terre, et lui et son peuple n’avaient rien à manger.

» Cela vous montre l’état d’un peuple sans outils.

» Les habitants de la Nouvelle-Zélande occupent la partie du globe justement opposée à celle où nous sommes, et ils viennent rarement cher nous. Cependant, lorsque quelques-uns y sont venus, ils ont été assez intelligents pour comprendre tous les avantages que nous retirons de l’usage des machines, et combien nous sommes plus avancés qu’eux. Un de ces pauvres gens fondit en larmes en voyant une corderie, parce qu’il s’aperçut de l’immense supériorité que le talent de filer les cordes nous donnait sur ses compatriotes. Un autre, qui était adroit et ingénieux, emporta dans son pays un petit modèle de moulin à grain. »

» Et croirez-vous, poursuivit Hopkins, en posant son livre, que l’Angleterre et la Nouvelle-Zélande sont deux pays de la même étendue, et que, tandis que nous sommes vingt-six millions d’habitants, la Nouvelle-Zélande en a seulement dix mille ? Cela fait deux mille six cents Anglais pour un habitant de la Nouvelle-Zélande. Cependant un de nous autres ouvriers anglais est mieux nourri, mieux vêtu et mieux logé que les principaux chefs de la Nouvelle-Zélande, parce que dans ce pays-là il n’y a ni industrie ni commerce ; ils sont pauvres, affamés, à moitié nus comme des sauvages, et vivent dans des huttes si misérables que vous n’y mettriez pas même un cochon. Si vous lisiez l’histoire d’Angleterre, Jackson, vous y verriez qu’une fois, longtemps avant qu’il y eût des manufactures, l’Angleterre n’était pas plus civilisée que la Nouvelle-Zélande : ainsi, vous voyez ce que nous avons gagné par nos machines. »

Jackson continuant à murmurer, Hopkins avoua qu’il le trouvait fort à plaindre.

« Mais vous ne pouvez pas dire, ajouta-t-il, que la nouvelle machine