pas la trouver bonne et jolie, après ce que vient de nous dire milord. »
TROISIÈME PARTIE.
« Après tout, reprit John, c’est heureux pour nous que l’argent anglais n’ait pas cours dans les autres pays ; car si nous étions obligés de payer en argent les marchandises qu’on nous fournit, ce serait bien un autre embarras.
— Pourquoi donc ? demanda le seigneur.
— C’est que, votre honneur, cela n’encouragerait pas nos manufactures, car nous ne fabriquons pas de monnaie ; j’ai ouï dire qu’elle nous venait de l’Amérique du Sud.
— Et savez-vous comment nous la payons ?
— Non ; mais payer de l’argent, ce serait comme rendre le même argent qu’on viendrait de recevoir, cela ne peut pas se faire ainsi.
— Il faut cependant bien le payer d’une manière ou d’une autre.
— Sans doute, dit Bob ; les Américains ne peuvent pas nous le fournir gratis, et nous ne pouvons donner de l’or contre de l’or, ce serait comme d’envoyer du charbon à Newcastle ; d’autant qu’en Amérique je crois qu’on fait peu de cas de la monnaie, et qu’on y a besoin de toute autre chose.
— Précisément ; ils sont très-occupés à travailler dans les mines, et par conséquent n’ont pas le temps de fabriquer ; aussi ce sont des produits de fabrique dont ils ont besoin.
— Alors, reprit John, nous les payons en articles de fabrique ; cela me paraît étrange : c’est justement le contraire de ce qui se fait ordinairement, car c’est l’usage de payer les marchandises avec de l’argent.
— Et que font les Américains, John ?
— Ils nous donnent de l’argent en retour des produits de nos fabriques.
— Eh bien ! mon père, dit Tom, il me semble que cela peut s’appeler acheter nos marchandises.
— Si donc nous envoyons à la France de l’argent pour payer les objets qu’elle nous fournit, nous avons un besoin d’autant plus