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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

divers établissements qui n’ont pu naître et se maintenir qu’après celui de la propriété. Les sauvages n’ont ni blé, ni culture, ni animaux domestiques ; ils consomment et détruisent, sans jamais s’occuper de la reproduction. Aussi combien les résultats de part et d’autre diffèrent ! Nous voyons des milliers d’hommes et d’animaux habiter une étendue de pays qui aurait à peine suffi à la subsistance de deux ou trois cents sauvages.

CAROLINE.

Arrêtons-nous un instant, ma chère madame B. ; je suis toute étourdie du nombre et de la variété des idées que vous venez d’offrir à mon esprit. Je m’étonne que ces choses-là ne se fussent pas présentées à moi d’elles-mêmes ; mais j’ai été si accoutumée à voir le monde dans son état de perfectionnement actuel, que mon attention ne s’était jamais portée sur les obstacles et les difficultés sans nombre que les hommes doivent avoir rencontrés, et sur les pas laborieux et progressifs qu’ils ont eu à faire, avant que la société pût atteindre l’état de perfection auquel elle est parvenue.

MADAME B.

De perfection ! Vous parlez par comparaison, je pense ; car il n’y a pas longtemps que vous faisiez des complaintes fort lamentables sur l’état actuel de la société. Je ne partageais pas tout votre chagrin, mais je ne crois pas non plus, et à beaucoup près, que nous soyons au point de perfection. Continuons cependant de tracer les progrès de la richesse et de la civilisation jusqu’à l’état où nous les voyons arrivés, avant de nous occuper des défauts des institutions actuelles.

CAROLINE.

Il me semble qu’à présent j’ai une idée claire des importantes suites de l’établissement de la propriété. Il met fin à la vie errante des barbares, engage les hommes à se fixer, et les habitue à supporter un travail régulier ; il leur enseigne la prudence et la prévoyance ; les porte à embellir la face de la terre par la culture ; à multiplier les animaux utiles et les plantes alimentaires ; en un mot,

    les travaux de l’agriculture est un autre pas vers la civilisation ; mais aucun établissement de ferme n’a pu naître et se maintenir avant l’établissement de la propriété.