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LES ENFANTS GÂTÉS

les plus belles récompenses sont promises à leurs efforts et cependant jamais ils ne semblent pleinement satisfaits. Rien ne peut éveiller leur ambition ou stimuler leur nonchalance.

Et de fait, ces précoces blasés ne répondent à tous les égards qu’on leur prodigue que par une mine indifférente et des gestes lassés.

L’habitude de ne rien faire sans le secours d’autrui, l’incapacité de l’effort se traduit extérieurement chez eux par un affaissement du corps toujours replié, appuyé en entier, à demi couché, même en société.

En les regardant on ressent quelquefois un violent désir de redresser ces roseaux sans sève, de faire surgir ces volontés somnolentes, de tendre ces nerfs de laine, de galvaniser ces membres inertes au moyen de l’hygiénique friction dont ils ignorent les âpres bienfaits et qui s’appelle… « le fouet ». Oh ! la bonne résurrection et le réconfortant spectacle que celui d’un regard éteint s’animant soudain d’un éclair d’indignation, de volonté !…

Quelque désagréable que puisse être la douche, le patient lui-même ne pourrait manquer d’en ressentir les bons effets. Si l’on cédait à la tentation de fustiger les enfants gâtés, je suis sûre qu’ils nous seraient reconnaissants de leur avoir procuré une émotion, d’avoir mis leur sang en circulation, leur cerveau en ébullition, leurs muscles en activité, de leur avoir fait éprouver pour un moment, enfin, la saine plénitude de la vie.

Notre jeunesse apathique ne sait même plus se tenir debout. La tenue, c’est-à-dire l’art de régler ses gestes et de composer son maintien est chez la nouvelle génération, chose inconnue. On n’a qu’à l’observer dans un salon. Les jeunes gens s’étalent ou s’allongent sur les divans. Ils ne savent pas garder avec les dames la distance respectueuse, ils rapprochent d’elles leur siège jusqu’à les toucher ou s’asseyent sur le même sofa. Leurs mains sont dans leurs poches, sous les basques de