Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
NOS TRAVERS

endeuille et souille sa beauté. Elles sont en train d’y réussir… Vous connaissez le proverbe arabe : « Ce que veut une belle est écrit dans les cieux » ? Nos congénères américaines veulent découvrir le firmament, afin qu’on y puisse lire cette précieuse écriture.

En somme, la conscription spontanée de ces milliers de recrues du monde élégant, riche et heureux, met au service des autorités religieuses et civiles, une armée d’auxiliaires puissantes et intrépides, prêtes à entreprendre les plus rudes tâches ; elle fournit des escouades d’ambulancières laïques qui cherchent dans les taudis, les tavernes et les cachots, les blessés du combat journalier, les mourants à la vie morale.

Cet enrôlement sous un même drapeau d’une classe où ont presque toujours régné en souveraines l’oisiveté, la frivolité et la jouissance, a pour but principal : d’être utile.

« Être utile », Mesdames, il paraît que ce n’est pas pour autre chose que nous avons été mises sur cette planète. Si le bon Dieu nous a donné ces belles longues journées dont un nombre compté compose notre vie ; s’il nous prête chaque matin sa lumière, des gens dignes de foi nous assurent que ce n’est pas pour vaquer tout bonnement au soin de notre nourriture, de notre vêtement et de notre divertissement. C’est dommage qu’il y ait d’aussi maussades commentateurs des décrets divins ! Ne pourraient-ils, ces juges sévères, s’entendre avec d’autres hommes plus indulgents, qui assignent à la femme ce rôle exclusif, païen, mais charmant : « plaire ? »

Assurément, les premiers ne nous commandent pas d’être déplaisantes — ce serait trop exigeant. — Ils admettent volontiers cette obligation de plaire (chère à la moins coquette), mais ils ne veulent pas démordre de l’idée de soumettre le sexe faible à la loi d’utilité morale aussi bien que matérielle. Ils nous parlent de nos responsabilités, de la nécessité d’amasser quelques mé-