Page:Marchand - Nos travers, 1901.djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
50
NOS TRAVERS

discutable mais le choix qu’on en fait et l’endroit où on le prend.

D’abord quel est celui qui défendra le jeu intéressé qu’on tolère dans ces élégants lieux de réunion et qui leur donne un air de tripots ?

Qui niera le danger auquel il expose les jeunes gens qui fréquentent ces endroits ?

Nous sommes tous d’accord je pense, sur les conséquences de la plus incontrôlable des passions qui sont : l’obsession continuelle dégénérant en manie, faisant prendre en dégoût les occupations ordinaires, tout ce qui n’est pas le jeu, la conscience faussée, l’oblitération du sens moral changeant l’honnête homme en un égoïste brutal qui ira jusqu’à jouer le pain de ses enfants et ne s’arrêtera dans sa fureur de ponter que devant la ruine complète.

Que des hommes ayant de graves devoirs envers la société et y exerçant des fonctions délicates : qu’un juge, un médecin, un officier de banque ou un avocat, par exemple, chargés des plus chers intérêts d’un grand nombre d’individus, sacrifient au démon du jeu leurs loisirs dont, en réalité ils ne sont pas maîtres — puisqu’ils les doivent à la recherche des solutions favorables au bien de leurs clients, — c’est un danger terrible.

Des innocents se trouvent souvent atteints dans la catastrophe inévitable qui termine une carrière de joueur. Que de familles laborieuses et, paisibles vouées à la désolation par le fait d’un seul homme en qui elles avaient mis une confiance aveugle et dont elles attendaient justice, fortune et santé.

Si l’on pousse au pied du mur certains maris intelligents ils finissent par vous dire sur un ton de confidence :

— Je vais au club, parce que je m’ennuie chez moi, ma femme n’est pas… enfin nous n’avons pas les mêmes idées…

— “ Mon cher monsieur, il ne fallait pas l’épouser !