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LES DÉSŒUVRÉES

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Voyons, là, franchement, mes jeunes amies, croyez-vous que c’est une vie que celle que vous menez ? Vous qui subissez, inertes, indifférentes, l’écoulement des jours, savez-vous que ce n’est pas exister que de se lever à une heure quelconque de la matinée, ne se proposant aucun but, ne caressant nulle ambition, et ne sachant comment on usera les heures jusqu’au coucher du soleil, et de remplir ensuite cet intervalle de paroles vides, de mouvements inutiles, d’une fiévreuse hâte à tuer le temps ; de s’endormir enfin le soir sans avoir rien fait qui compte.

Ignorez-vous que cette vie dont vous faites si peu de cas est un trésor qui nous est confié à la condition de l’employer utilement, et que tout le crime de l’homme devant la justice de Dieu sera d’avoir — ou par négligence ou par malice — gaspillé ce trésor ? Ces journées, dont la fuite si rapide ne l’est pas encore assez à votre gré, sont, pour ainsi dire, la menue monnaie du capital précieux qu’il vous est enjoint de faire fructifier.

Les moments perdus le sont irréparablement, et toutes ces heures vides que votre nonchalance continue de jeter dans le gouffre du passé vont grossir le nombre de celles dont vous aurez à rendre compte.

Personne n’a le droit d’exister s’il n’est bon à quelqu’un ou à quelque chose. Et, de fait, dans la société, les membres inutiles sont le plus souvent malfaisants.

L’empereur romain, que l’on cite encore après tant de siècles, devait sentir vivement cette nécessité d’user d’une manière profitable de la vie, lui qui voulait que chacun de ses jours contînt au moins une bonne action.