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Page:Marchant de Beaumont - Manuel et itinéraire du curieux dans le cimetière du Père la Chaise.djvu/94

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amis, dont le cœur se plaît à venir fréquemment prier, gémir, soupirer sur la tombe de leurs proches ; à nourrir leurs âmes de leur tendre souvenir ; à se rappeler leurs exemples ; à écouter leurs leçons dans le silence de la mort ; à cultiver près d’eux leurs jardins ; à honorer leurs vertus en les couronnant d’immortelles. Ces soins religieux satisfont son respect envers la cendre et la mémoire des morts ; ils lui inspirent une invincible horreur pour l’ingratitude et l’oubli de proches vouant au plus triste abandon les sépulcres sur lesquels il voit de loin en loin croître la ronce, s’élever des orties, pousser les épines.

Cependant la surprise du curieux est extrême, en portant son regard sur les épitaphes gravées sur ces milliers de tombeaux, d’apprendre que tous les personnages ensevelis sous la tombe furent autrefois les meilleurs gens du monde, sans nulle faute, fort regrettables, et très regrettés ; en leur vivant ils furent tous bons pères, mères, époux, épouses, enfans excellera : personne ne manqua d’être ami parfait. Il se fatigue d’abord de la constante redite de complimens jetés dans le même moule. Quoi ! se dit-il, tous ces honnêtes gens sont sortis de Paris, où l’on se plaint incessamment de la dépravation des mœurs, d’une âpreté de gain rendant la délicatesse rare en affaires, d’une soif