Page:Marco Polo - Le Devisement du monde, 1556.djvu/183

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Tartares, & voyant leur grand audace fut merveilleusement estonné : au moyen de quoy se meit sur mer, avec la plus grande compaignie qu’il peust assembler, & se retira en certaines Isles imprenables, ayant avec soy environ mil navires, & laissant la garde de la ville de Quinsay en la disposition de la Royne sa femme, comme si en elle y eust eu grand support & defense. Toutesfois la Royne prenant courage viril, s’y porta prudentement, ne delaissant riens en arriere de ce qui estoit necessaire pour la tuition & deffense de la ville. Mais quand elle eut entendu que le chef de l’armée des Tartares estoit nommé Baiam Chinsam, (c’est a dire cent yeulx) elle fut grandement effrayée, & perdit toute force & vertu : mesmement qu’elle avoit este advertie par ses astrologues & magiciens, que la cité de Quinsay ne pouvoit jamais estre prinse, que par un homme qui eust cent yeulx. Ce qu’elle estimoit estre impossible & contre nature, qu’un homme eust cent yeulx. Toutesfois oyant que ce presage quadroit a ce capitaine, elle ne voulut resister aux destinées & fatales dispositions : ains feit appeller le capitaine de l’armée des Tartares : auquel apres avoir parlamenté, elle rendit liberallement & la ville, & tout le royaume. Ce que entendu par les bourgeois & citoiens d’icelle, & autres habitans du royaume, voluntairement presterent le serment de fidelité & obeissance au grand Cham. hors mis toutesfois une ville appellée Sianfu, laquelle s’oppiniastra, & soustint le siege par trois ans au paravant que de se rendre, comme cy apres sera