Page:Marco Polo - Le Devisement du monde, 1556.djvu/226

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la mer sachans le peril en estre hors, & transporter les huistres avec leurs perles & en frustrer les marchandz. Et d’avantaiges n’y à en tout le pays gens qui puissent enchanter ces poissons, ne qui sachent les motz de la conjuration, sinon les magiciens appellez Abraiamin. Telle pescherie ne se faict pas en toutes les saisons de l’annee, ains seulement es moys d’Apvril & May. Toutesfois en ce peu de temps on en retire une infinité de perles. Et au regard des marchandz ilz en payent au Roy du pays dix pour cent, qui est la dixiesme partie : mais aux enchanteurs ilz en baillent la vingtiesme partie : & aux pescheurs aussi en baillent portion raisonnable. Or depuis la my may ne se trouvent plus en cest endroict ne d’huistres ne de perles, mais en certain autre lieu qui est a distance de cent lieuës on en pesche es moys de Septembre & Octobre. Les habitans de ceste province cheminent en tout temps nudz, sinon qu’ilz couvrent de quelque linge leurs parties honteuses. Le Roy mesmes va tout nud comme les autres, ayant en son col une chesne d’or enrichie de plusieurs saphirs esmerauldes, rubis & autres pierres precieuses. Oultre a pendu a son col le nombre de cent quatre grosses perles enfilées en un cordon de soye, en forme de patenostres, pour l’advertir & admonnester de dire par chacun jour cent quatre oraisons en l’honneur & reverence de leurs dieux, & les barboter tant au matin qu’au soir : d’avantage il porte en ses deux bras & es deux cuisses des brasseletz & cercles d’or, esquelz sont enchassez plusieurs & diverses pierres,