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PREFACE AU LECTEUR
par F. G. L.


lettrine Combien que ce monde habitable & tout ce qu’il contient ſoit bien peu de choſe, ſi on le confere à l’immenſité des corps celeſtes, Touteſfois en l’un & l’autre le grand ſpectacle de nature comme en une table vifve nous eſt amplement repreſenté avec argument certain de l’excellence du grand ouvrier, lequel voulant favoriſer ſa creature n’a rien obmis en ſon ouvrage qui ne ſoit plain de majeſté, dignité, & amplitude. Car en quelque endroict qu’on puiſſe tourner les yeux, ou divertir l’eſperit, ſe preſentent toujours choſes nouvelles plaines d’admiration avec certaine viciſſitude reciproque pour empeſcher que l’homme ne ſe puiſſe ennuyer, deſgouſter, ou raſſasier du plaisir qu’il en peult tirer. Ne voit on point chacun jour changement d’eſtoilles & planettes ? l’une vient à naiſtre, l’autre s’eſvanoyr : les jours & les nuictz ſont par ſaiſons diverſifiez, le chault & le froid ont par divers temps divers effectz, les années ſe renouvellent en telle varieté, qu’impoſſible eſt faire comparaiſon ou jugement de l’une à l’autre. Les pays, regions, & provinces ſont en telle difference les unes des autres, ſoit pour la qualité & nature de la terre, meurs & conditions des habitans, eſpeces, & figures des beſtes, diſpoſition ou temperature de l’air, qu’allant d’un lieu à autre, touſjours choſes nouvelles & eſtranges ſe preſentent. Et neantmoins par la brutalité ou ignorance des hommes peu de gens ſe treuvent qui ſoyent raviz en admiration de tels effectz de nature, aussi