Aller au contenu

Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes,2.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

divertir pendant qu’ils gardaient la maison. Depuis huit heures du matin que la nappe était mise, elles n’avaient cessé de rire et de chanter avec accompagnement de guitare. Avant de quitter la partie, elles se proposaient, en manière d’écot, nous confessèrent-elles, de noyer dans des flots de liquide les sens et la raison du maître de céans, et cela pour qu’il conservât de la fête de Notre-Dame un souvenir durable. Comme on le pense bien, nous plaidâmes près de ces dames la cause de l’amphitryon, et nous finîmes par obtenir un adoucissement de peine. Ainsi, au lieu d’une outre d’eau-de-vie, que, sans nous, le malheureux eût peut-être été condamné à boire, on nous promit qu’il en serait quitte pour sept à huit bouteilles.

Las de rester à table, je proposai à nos amis d’aller respirer l’air pur du dehors. Ces dames voulurent nous accompagner dans cette promenade, et sans s’inquiéter d’une température de 8° au-dessous de zéro, abandonnèrent leur châle et leur chapeau, comme des accessoires inutiles. Nous errâmes quelque temps sur les pelouses, regardant le coucher du soleil, puis nous allâmes visiter les huttes des serfs du domaine, lesquels, à l’exemple de leur seigneur, célébraient la fête de Notre-Dame par une notable absorption de chicha et de spiritueux. Quand vint la nuit, l’ivresse, comme dit Rabelais, avait gagné jusqu’aux sandales. Des feux furent allumés au