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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/12

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petites lieues. Le chemin, de plus en plus étroit, côtoie le bord des précipices avec une telle assurance, que le voyageur, tout entier à sa sûreté personnelle, ne s’aperçoit pas qu’il s’élève vers l’empyrée à raison de cent mètres par heure ; rien cependant n’est plus réel ; mais comme les accessoires le distraient du sujet, que sa frayeur l’emporte sur son malaise, ce n’est qu’à de longs intervalles et en atteignant le sol uni de quelque puna[1] que ce même voyageur constate avec surprise que sa respiration devient de plus en plus gênée et que l’air atmosphérique, en pénétrant dans ses poumons, y fait l’effet d’une pointe d’aiguille. Ce phénomène, dont il s’empresse de demander la raison à son guide, et que celui-ci ne manque jamais d’attribuer aux exhalaisons du soroché (antimoine), même dans les parages où ce métal n’existe pas, n’a d’autre cause que l’élévation de la Cordillère, qui, en cet endroit, dépasse déjà de douze mille pieds le niveau de la mer.

Il était environ midi quand le ciel, jusqu’alors d’une admirable pureté, commença à se couvrir de nuages. Ces vapeurs, accourues du nord, se soutinrent pendant quelque temps dans la haute région de l’air, puis s’affaissèrent graduellement vers la terre.

  1. Les punas ou parties planes de la Cordillère forment une longue suite de plateaux dont la température et la végétation sont très-caractérisées.