beau de toile et à les porter sur mon dos jusqu’au cimetière, où le fossoyeur me donnait un reçu de chacun d’eux au moyen d’une entaille qu’il pratiquait avec son couteau sur le bâton qui me servait d’appui. Le second mois, la bonne chère et le couvert ne me paraissaient déjà plus ure compensation suffisante à ce genre de vie, et, las autant qu’humilié de porter journellement des cadavres sur mes épaules, j’allai revoir le révérend évêque et le suppliai de changer la nature de mes fonctions. Huit jours après ma visite au palais épiscopal, je recevais l’ordre du protomedico de me rendre au laboratoire, où la protection de Son Éminence me faisait admettre en qualité de mozo-misturero, c’est-à-dire chargé du triage des plantes employées dans la préparation des onguents et des cataplasmes. Ce poste, que j’occupai pendant cinq ans, me laissait quelques loisirs. J’en profitai pour développer mon intelligence. En deux ans j’appris non seulement à lire et à écrire couramment ma langue maternelle, mais même je fus en état de pouvoir désigner par leur nom latin la plupart des drogues qui entraient dans la composition de nos remèdes. Les recettes médicinales, les codex et les formulaires du laboratoire, que je lisais à mes moments perdus, éveillèrent en moi le goût de la botanique, que j’ai toujours conservé. Quant à mon instruction religieuse, je la dois à des lectures pieuses et aux ouvrages de théologie que me prêtait
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