que j’applaudissais en grelottant à la conception poétique d’un pareil supplice, un piétinement sourd et le tintement d’une clochette nous avertirent de l’approche d’une caravane. Nous n’eûmes que le temps de nous jeter de côté pour éviter d’être enveloppés. Bêtes et gens passèrent si rapidement, que nous n’entrevîmes d’eux que leurs silhouettes qui se dessinèrent dans le brouillard, où elles disparurent aussitôt. Mais si rapide qu’eût été notre passage à contre-bord, il avait suffi à mon guide et aux gens de l’escorte pour échanger quelques mots de ralliement : Ohé Puno Européo, avait crié le premier : Ohé vino Moquehua, avaient répondu les seconds. La phrase elliptique du mozo apprenait aux muletiers qu’il conduisait un Européen à Puno ; ceux-ci, de leur côté, lui faisaient savoir qu’ils se rendaient dans la vallée de Moquehua pour y prendre un chargement de vin.
Les rayons de soleil ne tardèrent pas à colorer d’un reflet d’opale la brume glaciale à travers laquelle nous cheminions. Bientôt, refoulée par les vents du large, cette brume commença à se mouvoir et à rouler sur elle-même, pareille aux vagues de la mer, et comme incertaine de la direction qu’elle devait prendre ; puis elle se déchira par lambeaux, qui flottèrent un moment dans l’espace, et, se dirigeant vers le nord, finirent par se dissiper, la brise et le soleil aidant.