Aller au contenu

Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souhaité une bonne nuit. Mon premier soin fut de visiter le lit qui m’était destiné et dont la tournure m’avait paru suspecte ; je cherchai ensuite dans tous les coins la cuvette aux ablutions et les serviettes obligées ; puis, quand je me fus convaincu que ces objets manquaient et que les murs n’offraient pas un seul clou auquel on pût suspendre une bretelle, je me laissai tomber sur mon grabat où le sommeil vint me surprendre, tandis que je cherchais à deviner à quoi les époux Matara pouvaient employer leurs millions.

Levé avec le jour, je mis mon album sous mon bras et j’allai parcourir la ville. Après l’avoir envisagée sous tous ses aspects, j’en pris une vue générale, du haut d’un monticule qui dominait le lac au bord duquel elle est assise. Cette nappe couleur de plomb (titi), enfermée dans un cercle de collines (caca) juxtaposées, s’étendait sans bornes à l’horizon. Aucun vent ne ridait sa surface fuligineuse. On eût dit l’Océan, par un temps couvert et un calme plat. Malgré l’heure matinale et le froid piquant occasionné par le voisinage des neiges du Crucero, les plages du Titicaca étaient couvertes d’Indiens des deux sexes, accourus des provinces de Lampa, d’Asangaro, de Chucuyto, des confins du Désaguadero, et à qui la vue de la goëlette destinée au cabotage du lac Sacré[1] arrachait des cris d’admira-

  1. C’est du lac de Titicaca que les traditions font sortir les