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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/304

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aspersion d’eau bénite, que la foule accueillit en se signant dévotement. Alors, dans une allocution simple et touchante, appropriée à l’intelligence de ses auditeurs, le pasteur rappela aux fidèles agenouillés devant lui, que les hommes de leur race et de leur couleur ayant été créés et mis au monde par Pachacamac[1] pour obéir aux Espagnols et à leur descendance, ceux-ci, en particulier, devaient s’estimer bien heureux du choix qu’on avait fait de leurs personnes pour accompagner un savant huéracocha en possession de la confiance de leur grand-père, l’illustre président. Une chose entre toutes qu’il les engageait à méditer profondément, afin qu’elle restât gravée dans leur mémoire, c’est que, si la moindre plainte était portée sur eux par l’éminent personnage qu’ils allaient avoir l’honneur de servir, la prison, les entraves et le martinet (chicotillo) seraient leur partage au retour de la campagne.

En achevant, le curé rentra dans l’église, dont le bedeau referma immédiatement la porte. Les douze Indiens se relevèrent et reçurent d’un air morne les adieux et les encouragements de leurs proches. Pendant ce temps, les ménagères empilaient quel-

  1. Dans beaucoup de villages de la sierra, éloignés des points civilisés, les curés substituent dans leurs sermons le nom de Pachacamac à celui de Dieu, et cela, pour être mieux compris de leur auditoire, qui ne parle et ne comprend que l’idiome quechua. Pachacamac, dans la langue des Incas est le créateur omnipotent et invisible de tout ce qui existe.