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LE MARI PASSEPORT

le harem, suivie de mes esclaves : Ahmed est en robe de couleur feu et Choukry en vert pippermint. Le déjeuner est très animé. Il y a là des Français de l’Afrique du Nord venus pour le pèlerinage.

Hamdi bey, le vice-consul, homme de grande prestance, fait les honneurs. C’est un ancien cadi du département d’Alger. Il est décoré de la Légion d’honneur. J’ai un plaisir extraordinaire à cette atmosphère : des assiettes, des couverts, des maîtres d’hôtel, des mets français, du champagne… Il faut avoir vécu comme je vivais depuis ma séquestration pour savourer tout cela dans sa plénitude.

Tandis que je me laissais aller à la joie de me trouver dans cette ambiance, M. M… m’invite pour le lendemain, jour de Pâques, à déjeuner sur un des bateaux français qui sont en rade. La raison me dit de refuser. Mais la prudence, en ce moment, se tait dans mon âme heureuse et j’accepte. Bien entendu, lorsque je rentre, et annonce cette nouvelle, la consternation règne chez les femmes.

Sett Kébir me fait en vain la morale, « sa morale ». Tout ce qu’elle obtient de moi c’est que Lotfi m’accompagnera.

Je flaire bien qu’il viendra pour me surveiller, pour voir comment je me tiens avec les « nosranis ».

Tout semble se passer fort bien en ce jour de Pâques. Il y a grande fête à bord du bateau sur lequel j’arrive, avec les membres de la délégation française, le ministre d’Irak et celui de Perse, retrouvés dans la vedette qui m’y amène.

Le déjeuner est très gai, la cuisine et la cave sont excellentes : du foie gras truffé et du champagne figurent au menu. La conversation est animée, particulièrement brillante, malheureusement mon plai-