Aller au contenu

Page:Marga Andurain - Le Mari passeport, 1947.djvu/177

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

159
LA PRISON

— Plus tard, maintenant il te faut seulement me suivre.

Pas de discussion, il est buté et dur comme un roc. Je repousse la porte et arrange mon voile. J’arrange aussi ma valise. Mon camarade me reproche de ne l’avoir point présenté au chef de la police. Je souris malgré moi, comme si l’heure était aux présentations quand le pire nous guette.

On ne sait pas qu’il est là. Si cependant je pouvais habituer Saïd Bey à sa présence et agir de telle sorte qu’il la trouve normale… Ensuite, il pourra paraître aux yeux de la garde sans provoquer, du moins je l’espère, les réactions de courroux qui finiraient par notre commun lynchage.

Je rentr’ouvre la porte et, par un signe du doigt, j’appelle Saïd Bey. Deux ou trois fidèles policiers le suivent. Je les repousse en leur faisant comprendre que je veux parler en tête-à-tête avec leur chef. Dès qu’il est entré, le plus naturellement du monde, je lui indique mon compagnon qui prend un air sauvagement renfrogné. Il semble à peine pouvoir se tenir de bondir. Il oublie que, dans une telle situation, les secours de la diplomatie sont notre seule chance de salut.

— « Shouf » !… regarde…

Et Saïd Bey regarde, de tous ses yeux écarquillés qui fixent M… fils. Un rictus cruel découvre ses dents noires comme sa peau, l’expression de sa figure se durcit encore, sa haine, sa colère, sa stupeur sont intenses. Le corps crispé, la tête tendue en avant, il articule par saccades : « Min… Min ?… Qui est-ce ?… Quel est cet homme ? Que fait-il dans ta chambre ? »

— C’est le fils du Délégué de France, il est venu