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LE MARI PASSEPORT

Nous arrivons enfin à cette cour d’assises nedjienne que j’ai tant désirée depuis deux mois. La porte est gardée militairement par des sentinelles armées. Le cadi, étant, hiérarchiquement, le juge le plus haut placé, se trouve au dernier étage. Nous montons par un petit escalier étroit aux marches très hautes. À chaque palier, des policiers en armes surveillent trois ou quatre tribunaux, devant lesquels sont jugés les délits courants. Encore quelques marches, et je me trouve dans une pièce longue, étroite, éclairée par un grand moucharabieh devant lequel un petit homme maigre et pâle est accroupi sur une banquette, se caressant d’une main le pied, tandis que de l’autre main il s’évente, c’est le cadi. La chaleur est suffocante.

L’appareil de justice est réduit à sa plus simple expression : un greffier et deux interprètes, assis sur le même banc que le cadi, attendent en rêvant. Devant le cadi, une table et, au fond à droite, deux superbes nègres, aux muscles puissants, vêtus d’une petite culotte et d’un maillot de lutteur jaune. Ils ont l’air d’un numéro de cirque égaré. Ce sont probablement les exécuteurs des sentences comportant des coups de bâton.. Derrière moi la salle s’anime, se remplit d’hommes de toutes classes, de toutes couleurs qui viennent assister en spectateurs à ce procès sensationnel pour Djeddah.

À mon entrée, le cadi tourne lentement la tête, m’examine d’un regard inquiétant. Je reste voilée, ce qui m’aide à soutenir la pénétration de ses yeux et à dissimuler mon angoisse.

Le cadi ouvre l’interrogatoire par la question suivante :

— Pourquoi es-tu en prison ?