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LE MARI PASSEPORT

dates auxquelles j’ai donné ces fameux cachets de Kalmine. Je demande qu’on me rende mon carnet rouge sur lequel sont consignés tous mes faits et gestes, jour par pour, pour avoir une précision absolue. Mais le cadi s’y oppose formellement.

À M. M…, qui longtemps a demandé un avocat pour mol, on a répondu que j’étais assez éloquente pour me défendre seule et je plaide moi-même ma cause.

L’avocat maintient avec tant de force que ce sont mes remèdes qui ont tué Soleiman, que le cadi lui donne jusqu’au lendemain matin pour en apporter la preuve devant la Cour.

Mouvements hostiles dans le public.

Je trépigne de rage, et toute l’inactivité forcée de ma détention se déverse soudain dans la défense que j’oppose à l’accusation. Dans un silence terrifiant, je démontre qu’il était de toute impossibilité que je cache du poison sur moi pendant la durée de mon séjour à Djeddah, puisque les femmes du harem assistaient à ma toilette et me voyaient constamment nue.

Quant à me servir de ma valise, il n’avait pu en être question, puisqu’elle m’avait été prise dans la vedette m’amenant au port de Djeddah, et qu’on l’avait fouillée à la douane sans que je fusse présente. Au surplus, aurais-je emporté du poison dans une valise qui ne pouvait se fermer à clef ?

Quant à la dernière hypothèse accusatrice, celle d’avoir acheté du poison à Djeddah, elle ne pouvait être prise en considération puisque je n’étais jamais sortie seule. Et puis, je ne parle pas assez bien l’arabe du Hedjaz pour me procurer un produit défendu. Une enquête à ce sujet renseignerait vite la justice.