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LE MARI PASSEPORT

mise à toutes les quiétudes, à toutes les monotonies de la vie de province, que j’étais en naissant et que je devais abandonner ?

Cela commença par des témoignages puérils. Par exemple, ma gêne et la secrète protestation de tout mon être lorsqu’il me fallait obéir à des ordres que je n’admettais pas.

Le travail m’attirait, par un ardent besoin de savoir. Seulement, en sus, un non moins ardent désir d’indépendance se développait. Qu’on en juge : à trois ans, je fuyais un beau jour la maison de mes parents. Je voulais sortir seule. Je me sentis fière de passer devant une sentinelle qui gardait l’ancienne poudrière de Bayonne. J’allai me cacher sous un pont où je me sentais plus libre, laissant ma famille s’affoler pendant toute une journée.

Un autre jour, plus tard, ayant pris la bicyclette de ma sœur, sur un chemin de halage, je voulus faire des prouesses que mes petites jambes ne permirent point et je tombai dans le Gave.

Bien entendu, ces fantaisies et combien d’autres, étaient accomplies en dépit des interdictions familiales et dans une sorte de dédain du danger que pourtant je devinais fort bien. Cependant, je grandissais, et avec moi mes « défauts ».

Ma famille donnait l’exemple d’une vie coite et paisible que je commençai d’abominer. Le rituel des convenances, les réceptions, les échanges de visites, les politesses hypocrites, les gentillesses que suivaient des cancans sans douceur, tout ce qui fait le fond de l’existence provinciale, me donnaient la nausée.

Bientôt, je ne pus refréner mes goûts ni les manifestations de mon indiscipline. La docilité dont, malgré tout, je témoignais souvent, fit place à une insubordination violente. Il fallut envisager le meil-