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LE MARI PASSEPORT

dans mes prières. Mais la dame, Mme  Amoun, restait là, aussi patiente que moi. Au bout d’un long moment, elle me posa la main sur l’épaule en murmurant :

— N’ayez pas peur, je ne vous trahirai pas.

Sa figure respirait la bonté et elle comprenait mon inquiétude. Voyant l’impossibilité de me soustraire à cette commisération, toute faite de sympathie, je me levai et la suivis en silence. Avant même que nous fussions sorties du Saint-Sépulcre, elle me chuchota dans cette pénombre favorable aux confidences douloureuses :

— Comment avez-vous épousé cet homme ?

Étrange façon d’entrer en matière… Mais la brave personne ne pouvait retenir son affection et son infinie curiosité. Répondre autre chose que la vérité m’était impossible. Mais je ne pouvais pourtant pas raconter la réalité. Je hochais mélancoliquement la tête.

La dame âgée et compatissante conclut :

— C’est la fatalité.

Je ne suis pas sentimentale, mais sa bonté et son angoisse visibles m’inspirèrent confiance. Je l’accompagnai sans rien dire. Elle me fit d’abord les honneurs de l’église. Puis nous descendîmes dans les souterrains et elle s’attendrit, aux lieux où la tradition veut qu’aient été exécutés certains martyrs. Nous pénétrons dans l’enceinte sacrée entre toutes, le Saint-Sépulcre.

J’ai relevé mon voile, selon le désir de Mme  Amoun. Mais la vie est pleine de surprises paradoxales. Je me trouve, sitôt dévoilée, nez à nez avec des officiers aviateurs de Syrie. Je ne puis les éviter, car nous sommes sous la petite porte basse en marbre blanc, à l’entrée du tombeau du Christ, et il faut suivre la file. Les abordant car-