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PASSEPORT

— Non seulement tu te promènes de nouveau dévoilée dans les rues, mais tu parles avec des hommes, avec des chrétiens, et tu montres une partie secrète de ton corps au regard de ces étrangers. On ne pourra comprendre que je supporte ça, notre subterfuge va être découvert et tu nous mets en grand danger. Puis son refrain habituel reparaît :

— Tu ne m’aimes pas du tout, tu te moques de moi, tu n’as pas confiance en moi.

Lasse et agacée, je lui explique :

— Tu m’ennuies, avec tes perpétuelles doléances. Je te dirai que tout le monde, à te voir comme tu es, me déconseille de partir en ta compagnie. On croit que tu vas me tuer dans le désert. Et pourtant, tu vois que je ne renonce pas. Si je n’avais pas confiance, partirais-je ? puisque bientôt, dans ton pays, nous serons seuls et tu pourras faire de moi tout ce que tu voudras.

Il est touché.

— Madame, tu dis vrai, pardon.

Tout ému, il s’avance pour poser un baiser sur mon front. Je le repousse vivement et il s’éloigne, mélancolique.

D’autres scènes, au surplus, se renouvellent sans cesse. Je lui reproche ce narguilé qu’il fume sans répit, dans notre chambre, en crachant et toussant constamment. J’ouvre alors les fenêtres, mais il veut les garder closes.

— Tu veux me tuer, dit-il. Ce n’est pas le narguilé qui me fait mal, mais le vent et le froid que tu laisses entrer.

Enfin, il cède et se couche, enfoui sous son kéfié et un monceau de couvertures. Mais j’étais, il faut bien le dire, perpétuellement irritée par sa mollesse insupportable. Il fallait de la ténacité et de l’activité pour mener notre projet à bien et nous avions