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MYSTIQUE

même, peu en sympathie, se met bientôt à hurler.

Je le repasse à sa mère.

Mais les hommes soudain accourent, ils viennent d’apprendre que ce n’est pas là le bateau de Ceylan et tout notre groupe d’Hindous se précipite pour fuir par la passerelle. Seul, l’Hindou à la taille démesurée, à l’impressionnante maigreur, reste. Il est en première, mais passera toute la traversée auprès de nous.

Le « Dandolo » s’ébranle doucement. Je pars… ivresse…

Voici la fin du canal et la mer Rouge. Suez disparaît au loin, effacée dans la brume comme en mon souvenir.

On ne nourrit pas les passagers à bord. Nous sommes quatre, la manœuvre exige à tout moment que nous gagnions bâbord, puis tribord. Enfin nous voici sur les planches mal jointes de la cale de proue. Une tente, qu’on y dresse pour nous, nous met à l’abri des insolations. J’ai plaisir à cette traversée, en mer Rouge avec ces musulmans bizarres. Une des abayes neuves du trousseau de Soleiman me sert de matelas. Deux valises délimitent ma chambre à coucher… Provisions étalées, nous nous accroupissons tous en cercle et je quitte mon voile. Toute la traversée se passera ainsi.

J’ai des boîtes de conserves, du lait condensé, des confitures, de l’eau minérale, du fromage, des biscuits et des boîtes de cacao. Autant de merveilles.

Je recommande cependant à Soleiman d’être très sobre et me promets moi-même de manger le moins possible. Le jeûne du Ramadan n’a-t-Il pas été créé par raison d’hygiène et le Coran qui l’institue n’est-il pas notre guide ? Mais Soleiman voudrait garder son apparence d’émir. Il y a fait déjà des allusions innombrables, et notre gueuserie trop visible lui est