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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/120

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MÉMOIRES

cette condition, et me dit qu’elle estoit fort aise que j’eusse pris cet advis ; que le mauvais conseil que ces evesques avoient donné au Roy de ne tenir ses promesses, et rompre tout ce qu’elle avoit promis et contracté pour luy, luy avoit, pour plusieurs considerations, apporté beaucoup de desplaisir ; mesme voyant que cet impetueux torrent entrainoit avec soy et ruinoit les plus capables et meilleurs serviteurs que le Roy eust en son conseil (car le Roy en esloingna quatre ou cinq des plus apparens et plus entiers) ; mais qu’entre tout cela, ce qui luy travailloit le plus l’esprit, estoit de voir ce que je luy representois, que je ne pouvois eviter, demeurant à la cour, l’un de ces deux malheurs : ou que le Roy mon mary ne l’auroit agreable et s’en prendroit à moy, ou que le Roy entreroit en desfiance de moy, pensant que j’advertirois le Roy mon mary ; qu’elle persuaderoit au Roy de trouver bon ce voyage, ce qu’elle fit. Et le Roy m’en parla sans monstrer d’en estre en colere, estant assez content de m’avoir peu empescher d’aller trouver le Roy mon mary, qu’il hayoit lors plus qu’aucune chose du monde ; et commande que l’on despeschast un courrier à dom Jean d’Autriche, qui commandoit pour le roy d’Espaigne en Flandres, pour le prier de me bailler les passeports necessaires pour passer librement au païs de son authorité, pour ce qu’il falloit bien avant passer dans la Flandres pour aller aux eaux de Spa, qui sont aux terres de l’evesché de Liege.

Cela resolu, nous nous separasmes tous à peu de jours de là, lesquels mon frere employa à m’instruire