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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/122

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[1577]
MÉMOIRES

monsieur de Mouy, seigneur de Picardie[1], maintenant beau-pere d’un frere de la royne Louise, nommé le comte de Chaligny[2], de mon premier maistre d’hostel, de mes premiers escuyers, et aultres gentilshommes de ma maison. Cette compaignie pleust tant aux estrangers qui la virent, et la trouverent si leste, qu’ils en eurent la France en beaucoup plus d’admiration.

J’allois en une lictiere faite à pilliers doublez de velours incarnadin d’Espaigne, en broderie d’or et de soye nuée, à devise ; cette litiere toute vitrée, et les vitres toutes faictes à devise, y ayant, ou à la doublure ou aux vitres, quarante devises toutes differentes, avec les mots en espaignol et italien, sur le soleil et ses effects. Laquelle estoit suivie de la litiere de madame de La Roche-sur-Yon, et de celle de madame de Tournon ma dame d’honneur, et de dix filles à cheval avec leur gouvernante, et de six carrosses ou chariots, où alloit le reste des dames et filles d’elles et de moy. Je passay par la Picardie, où les villes avoient commandement du Roy de me recepvoir selon que j’avois cet honneur de luy estre, qui, en passant, me firent tout l’honneur que j’eusse peu desirer.

Estant arrivée au Castelet, qui est un fort à trois lieues de la frontière de Cambresys, l’evesque de Cam-

  1. Charles, marquis de Mouy, chevalier des ordres du Roi, châtelain héréditaire de Beauvais.
  2. Henri de Lorraine, comte de Chaligny, petit-fils d’Antoine, duc de Lorraine, et frère de Louise de Lorraine, femme de Henri III.