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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/153

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DE MARGUERITE DE VALOIS.

leur voulusse apporter du mal par ma venue, que je ne leur vouldrois pas seulement donner de soubçon ; que je les priois de me laisser entrer, moy et mes femmes et si peu de mes gens, dans la ville, qu’ils vouldroient pour cette nuict, et que le reste ils le laissassent dans le faubourg. Ils se contentent de cette proposition, et me l’accordent.

Ainsy j’entray dans leur ville avec les plus apparents de ma trouppe, du nombre desquels fust le grand maistre de l’evesque de Liege ; qui, par malheur, fust recongneu comme j’entrois en mon logis, accompagnée de tout ce peuple yvre et armé. Lors commencent à luy crier injures et à vouloir charger ce bon homme, qui estoit un vieillard venerable de quatre-vingts ans, ayant la barbe blanche jusques à la ceinture. Je le fis entrer dedans mon logis, où ces yvrongnes faisoient pleuvoir les harquebusades contre les murailles, qui n’estoient que de terre. Voyant ce tumulte, je demande si l’hoste de la maison n’estoit point là-dedans. Il s’y trouve de bonne fortune. Je le prie qu’il se mette à la fenestre, et qu’il me fasse parler aux plus apparents, ce qu’à toute peine il veut faire. Enfin ayant assez crié par les fenestres, les bourguemaistres viennent parler à moy, si saouls qu’ils ne sçavoient ce qu’ils disoient. Enfin leur asseurant que je n’avois point sçeu que ce grand maistre leur feust ennemy, leur remonstrant de quelle importance leur estoit d’offenser une personne de ma qualité, qui estoit amie de tous les principaux seigneurs des Estats, et que je m’asseurois que monsieur le comte de Lalain et tous les autres chefs trou-