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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/155

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DE MARGUERITE DE VALOIS.

paignol non plus que moy, nous advisasmes qu’il falloit sçavoir de ceux de la ville s’il y avoit poinct quelque chemin, par lequel je peusse eviter cette trouppe de monsieur de Barlemont ; et baillant ce petit agent, nommé Du Bois, à amuser à monsieur de Lenoncourt, je passe en une aultre chambre, où je fais venir ceux de la ville, où je leur fais cognoistre que, s’ils laissoient entrer la trouppe de monsieur de Barlemont, ils estoient perdus ; qu’ils se saisiroient de la ville pour dom Juan ; que je les conseillois de s’armer, et se tenir prests à leur porte, monstrans contenance de gens advertis, et qui ne se veulent laisser surprendre ; qu’ils laissassent entrer seulement monsieur de Barlemont, et rien d’avantage.

Leur vin du jour precedent estant passé, ils prirent bien mes raisons et me creurent, m’offrants d’employer leurs vies pour mon service, et me baillants un guide, pour me mener par un chemin auquel je mettrois la riviere entre les trouppes de dom Juan et moy, et les laisserois si loing qu’ils ne me pourroient plus atteindre, allant tousjours par maisons ou villes tenants le party des Estats. Ayant pris cette resolution avec eux, je les envoye faire entrer monsieur de Barlemont tout seul, lequel, estant entré, leur veut persuader de laisser entrer sa trouppe. Mais oyans cela, ils se mutinent de sorte que peu s’en fallust qu’ils ne le massacrassent, luy disant que, s’ils ne la faisoit retirer hors de la veue de leur ville, qu’ils y feroient tirer l’artillerie ; ce qu’ils faisoient afin de me donner temps de passer l’eaue, avant que cette trouppe me peust atteindre. Monsieur de