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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/157

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DE MARGUERITE DE VALOIS.

temps de m’esloingner en telle sorte que je n’avois plus à craindre cette trouppe, guidée de Dieu et de l’homme qu’ils m’avoient baillé.

Je logeay ce soir-là en un chasteau fort, nommé Fleurines, qui estoit à un gentil-homme qui tenoit le party des Estats, et lequel j’avois veu avec le comte de Lalain. Le malheur fut tel que ledit gentil-homme ne s’y trouva point, et n’y avoit que sa femme. Et comme nous fusmes entrez dans la basse-court, la trouvant toute ouverte, elle prist l’allarme et s’enfuit dans son dongeon, levant le pont, resolue, quoy que nous luy pussions dire, de ne nous point laisser entrer. Cependant une compagnie de trois cens hommes de pied, que dom Juan avoit envoyez pour nous couper chemin, et pour se saisir dudict chasteau de Fleurines, sçachans que j’y allois loger, paroissent sur un petit hault à mille pas de là ; et, estimants que nous fussions entrez dans le dongeon, ayants peu cognoistre de là que nous estions tous entrez dans la court, firent alte, et se logerent à un village là aupres, esperans de m’attrapper le lendemain matin.

Comme nous estions en ces alteres, pour ne nous voir que dedans la court, qui n’estoit fermée que d’une meschante muraille, et d’une meschante porte qui eust esté bien aisée à forcer, disputants tousjours avec la dame du chasteau inexorable à nos prieres. Dieu nous fist cette grace que son mary, monsieur de Fleurines, y arriva à nuict fermante ; lequel soudain nous fist entrer dans son chasteau, se courrouçant fort à sa femme de l’indiscrette incivilité qu’elle avoit monstrée. Ledict