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Page:Marguerite de Navarre - L'heptaméron des nouvelles, 1559.pdf/164

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LA II. IOVRNEE DES NOVVELLES.

Apres ton parfaict amy :
Ne crains à prendre.
L’habit de cendre,
Fuyant ce monde ennemy :
Car d’amitié viue & forte
De ſa cendre fault que ſorte
Le Phenix, qui durera,
Que dira elle, &c.

Ainſi qu’au monde
Fut pure & munde
Noſtre parfaicte amitié,
Dedans le cloiſtre
Pourra paroistre
Plus grande de la moitié.
Car amour loyal & ferme,
Qui n’a iamais fin ne terme,
Droict au ciel nous conduira.
Que dira elle, &c.

Quand elle eut bien au long leu ceſte chanſon, eſtant à part en vne chappelle, ſe meiſt ſi fort à plorer, qu’elle arrouſa tout le papier de larmes. Et n’euſt eſté la crainte qu’elle auoit de ſe monftrer plus affectionnée qu’il n’appartient, n’euſt failly de s’en aller incontinẽt mettre en quelque hermitage, ſans jamais veoir creature du monde : mais la prudence qui eſtoit en elle la contraignit pour quelque temps diſsimuler. Et combien qu’elle euſt prins reſolution de laiſſer entieremẽt le monde, ſi feignit elle le cõtraire, & changeoit ſi fort ſon viſage, qu’eſtant en cõpaignie ne reſſembloit de rien qui ſoit à elle meſme. Elle porta en ſon cueur ceſte deliberation couuerte cinq ou ſix mois, ſe monſtrant plus ioyeuſe qu’elle n’auoit de couſtume, Mais vn iour alla auec ſa maiſtreſſe a l’obſeruance ouyr la grande meſſe, & ainſi que le preſtre diacre & ſoudiacre ſortoient

du re-