Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome I.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
PROLOGUE

passetemps que je vouldrois choisir fust aussy agréable à la compaignie comme à moy, mon opinion seroit bien tost dicte ; dont pour ceste heure me tairay, & en croiray ce que les aultres diront. » Sa femme Parlamente commença à rougir, pensant qu’il parlast pour elle, &, ung peu en collère & demy en riant, luy dist :

« Hircan, peut estre que celle que vous pensez qui en debvroit estre la plus marrye auroit bien de quoy se récompenser, s’il luy plaisoit ; mais laissons là les passetemps où deux seullement peuvent avoir part, & parlons de celluy qui doibt estre commun à tous. »

Hircan dist à toutes les Dames : « Puisque ma femme a si bien entendu la glose de mon propos & que ung passetemps particulier ne luy plaist pas, je crois qu’elle sçaura mieulx que nul autre dire celluy où chascun prendra son plaisir, & de ceste heure je m’en tiens à son oppinion comme celluy qui n’en a nule autre que la sienne. » A quoy toute la compaignie s’accorda.

Parlamente, voiant que le sort du jeu estoit tombé sur elle, leur dist ainsi : « Si je me sentois aussi suffisante que les Antiens qui ont trouvé les artz, je inventerois quelque passetemps ou jeu pour satisfaire à la charge que me donnez, mais, congnoissant mon sçavoir & ma puissance, qui à peine peult remémorer les choses bien faictes, je me tiendrois bien heureuse d’ensuivre de près ceulx qui ont desjà satisfaict à vostre demande. Entre autres, je croy qu’il n’y a nul de vous qui n’ait leu les cent Nouvelles de Bocace, nouvellement traduictes d’ytalien en françois, que le Roy François, premier de son nom, Monseigneur le Daulphin, Madame la Daulphine, Madame Marguerite, font tant de cas que, si Bocace du lieu où il estoyt les eût peu