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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome I.djvu/262

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PROLOGUE

quelcun trouve quelque chose plus plaisante que ce que je deys, je m’accorderay à son oppinion. » Mais toute la compaignie respondit qu’il n’estoit possible d’avoir mieulx advisé & qu’il leur tardoit que le lendemain fût venu pour commencer.

Ainsy passèrent joyeusement ceste journée, ramentevant les ungs aux autres ce qu’ilz avoient veu de leur temps. Si tost que le matin fut venu, s’en allèrent en la chambre de Madame Oisille, laquelle trouvèrent desjà en ses oroisons, &, quand ilz eurent oy une bonne heure sa leçon & puis dévotement la messe, s’en allèrent disner à dix heures, & après se retira chascun en sa chambre pour faire ce qu’il avoit à faire. Et ne faillirent pas à midy de s’en retourner au pré, selon leur délibération, qui estoit si beau & plaisant qu’il auroit besoin d’un Bocace pour le dépaindre à la vérité, mais vous vous contenterez que jamais n’en fut veu un plus beau.

Quant l’assemblée fut toute assise sur l’herbe verte, si noble & délicate qu’il ne leur falloit carreau ne tappis, Simontault commencea à dire : « Qui sera celluy de nous qui aura commencement sur les autres ? »

Hircan luy respondit : « Puisque vous avez commencé la parolle, c’est raison que vous commandiez, car au jeu nous sommes tous esgaulx.

— Pleut à Dieu, » dist Simontault, « que je n’eusse bien en ce monde que de povoir commander à toute ceste compaignye. »

À ceste parolle, Parlamente l’entendit très bien, qui se print à tousser, par quoy Hircan ne s’apperçeut de la couleur qui luy venoit aux joues, mais dist à Simontault qu’il commençast, ce qu’il feit.