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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome I.djvu/268

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Ire JOURNÉE

dans, non si bien desguisé qu’il ne le congneust plus qu’il ne le vouloyt.

Et en ce désespoir se retourna à Alençon, où bien tost sa meschante amye alla, qui, le cuydant abbuser, comme elle avoit accoustumé, vint parler à luy. Mais il luy dict qu’elle estoit trop saincte, aiant touché aux choses sacrées, pour parler à ung pécheur comme luy, duquel la repentance estoit si grande qu’il espéroit bien tost que le péché luy seroit pardonné. Quant elle entendit que son cas estoit descouvert & que excuse, jurement & promesse de plus n’y retourner n’y servoyt de rien, en feit la plaincte à son Evesque. Et, après avoir bien consulté la matière, vint ceste femme dire à son mary qu’elle ne povoyt plus demorer dans la ville d’Allençon, pour ce que le filz du Lieutenant, qu’il avoyt tant estimé de ses amys, la pourchassoit incessamment de son honneur, & le pria de se tenir à Argentan pour oster toute suspection. Le mary, qui se laissoyt gouverner par elle, s’y accorda, mais ilz ne furent pas longuement audict Argentan que ceste malheureuse manda audict Du Mesnil qu’il estoit le plus meschant homme du monde & qu’elle avoyt dict bien sçeu que publicquement il avoit dict mal d’elle & de l’Evesque de Sées, dont elle mectroit peyne de le faire repentir.

Ce jeune homme, qui n’en avoyt jamais parlé