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Ire JOURNÉE

d’estre à son habiller & deshabiller, où tousjours il voyoit occasion d’augmenter son affection.

En sorte que ung soir, après qu’il eut faict veiller ceste Princesse si tard que le sommeil qu’elle avoyt le chassa de la chambre, s’en alla à la sienne. Et, quand il eut prins la plus gorgiase & mieulx parfumée de toutes ses chemises, & ung bonnet de nuict tant bien accoustré qu’il n’y falloit rien, luy sembla bien, en soy mirant, qu’il n’y avoit Dame en ce monde qui sçeut refuser sa beaulté & bonne grace. Par quoy, se promectant à luy mesmes heureuse yssue de son entreprinse, s’en alla mettre en son lict, où il n’espéroit faire long séjour pour le desir & seur espoir qu’il avoit d’en acquérir ung plus honorable & plaisant. Et, si tost qu’il eut envoyé tous ses gens dehors, se leva pour fermer la porte après eulx. Et longuement escouta si en la chambre de la Princesse, qui estoit dessus, y avoit aucun bruict &, quand il se peut asseurer que tout estoit en repos, il voulut commencer son doulx travail, & peu à peu abbatit la trappe, qui estoit si bien faicte & accoustrée de drap qu’il ne feit un seul bruict, & par la monta à la chambre & ruelle du lict de sa Dame, qui commençoit à dormyr.

À l’heure, sans avoir regard à l’obligation qu’il avoit à sa Maistresse, ny à la Maison d’où estoit la Dame, sans luy demander congié ne faire la révérence, se coucha auprès d’elle, qui le sentit