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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome I.djvu/305

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IIIJe NOUVELLE

matin je feray en sorte vers mon frère que sa teste sera tesmoing de ma chasteté. »

La Dame d’honneur, la voiant ainsy courroucée, luy dist : « Ma Dame, je suis très aise de l’amour que vous avez de vostre honneur, pour lequel augmenter ne voulez espargner la vie d’un qui l’a trop hazardée pour la force de l’amour qu’il vous porte, mais bien souvent tel la cuyde croistre qui la diminue, par quoy je vous supplye, ma Dame, me vouloir dire la vérité du faict. »

Et, quand la Dame luy eut compté tout au long, la Dame d’honneur luy dist : « Vous m’asseurez qu’il n’a eu aultre chose de vous que les esgratignures & coups de poing ?

— Je vous asseure, » dist la Dame, « que non & que, s’il ne trouve ung bon Cirurgien, je pense que demain les marques y paroistront.

— Or, puis que ainsy est, ma Dame, » dist la Dame d’honneur, « il me semble que vous avez plus d’occasion de louer Dieu que de penser à vous venger de luy ; car vous pouvez croire, que puis qu’il a eu le cueur si grand que d’entreprendre une telle chose, & le despit qu’il a de y avoir failly, que vous ne luy sçauriez donner mort qui ne luy fust plus aisée à porter. Si vous desirez estre vengée de luy, laissez faire à l’amour & à la honte, qui le sçauront mieulx tormenter que vous. Si vous le faictes pour vostre honneur, gardez vous, ma Dame,