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Ire JOURNÉE

mary en fut adverty, lequel ne le pouvoyt croire, pour les grands signes d’amityé que luy monstroit sa femme.

Toutesfois ung jour il pensa d’en faire l’expérience & de se venger, s’il pouvoit, de celle qui luy faisoit ceste honte &, pour ce faire, faignist s’en aller en quelque lieu auprès de là pour deux ou trois jours. Et, incontinant qu’il fut party, sa femme envoya quérir son homme, lequel ne fut pas demie heure avecq elle que voicy venir le mary qui frappa bien fort à la porte. Mais elle, qui le congneut, le dist à son amy, qui fust si estonné qu’il eut voulu estre au ventre de sa mère, mauldissant elle & l’amour qui l’avoient mis en tel dangier. Elle luy dist qu’il ne se soulciast poinct & qu’elle trouveroit bien moien de l’en faire saillir sans mal ne honte, & qu’il s’habillast le plus tost qu’il pourroit. Ce temps pendant frappoit le mary à la porte, appellant le plus hault qu’il povoyt sa femme, mais elle faingnoit de ne le congnoistre point & disoit tout hault aux gens de léans : « Que ne vous levez vous, & allez faire taire ceux qui font ce bruit à la porte ? Est-ce maintenant l’heure de venir aux maisons des gens de bien ? Si mon mary estoit icy, il vous en garderoyt. » Le mary, oyant la voix de sa femme, l’appella le plus hault qu’il peut : « Ma femme, ouvrez moy ; me ferez vous demorer icy jusques au jour ? » Et, quand elle