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Ire JOURNÉE

Il avoyt ung voisin de pareille condition que luy, nommé Sandras, Tabourin & Cousturier, & y avoit entre eulx telle amityé que, horsmis la femme, n’avoient rien party ensemble, par quoy il déclara à son amy l’entreprinse qu’il avoyt sur sa Chamberière, lequel non seullement le trouva bon, mais ayda de tout son pouvoir à la parachever, espérant avoir part au butin. La Chamberière, qui ne s’y voulut consentir, se voyant pressée de tous costez, le alla dire à sa maistresse, la priant de luy donner congé de s’en aller chez ses parens, car elle ne pouvoit plus vivre en ce torment. La maistresse, qui aymoit bien fort son mary, du quel souvent elle avoyt eu soupson, fut bien aise d’avoir gaigné ce poinct sur luy & de luy povoir monstrer justement qu’elle en avoyt eu doubte. Dist à sa Chamberière : « Tenez bon, m’amye ; tenez peu à peu bons propos à mon mary, & puis après luy donnez assignation de coucher avecq vous en ma garde robbe, & ne faillez à me dire la nuict qu’il devra venir, & gardez que nul n’en sçache rien. »

La Chamberière feit tout ainsy que sa maistresse luy avoit commandé, dont le maistre fut si aise qu’il en alla faire la feste à son compaignon, lequel le pria, veu qu’il avoyt esté du marché, d’en avoir le demorant. La promesse faicte & l’heure venue, s’en alla coucher le maistre, comme il cuydoit, avecq sa Chamberière ; mais sa femme, qui avoit