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IIJe JOURNÉE

hantent jamais maison qu’ilz n’y laissent quelque honte ou quelque zizanie.

— Il y en a de bons, » dist Oisille, « & ne fault pas que pour les mauvais ils soient jugez, mais les meilleurs sont ceulx qui moins hantent les maisons séculières & les femmes.

— Vous dictes vray, » dist Ennasuitte, « car moins on les voyst, moins on les congnoist, & plus on les estime, pource que la fréquentation les monstre telz qu’ils sont.

— Or, laissons le moustier où il est, » dist Nomerfide, « & voyons à qui Geburon donnera sa voix.

— Ce sera, » dis-il, « à Madame Oisille, afin qu’elle die quelque chose en faveur de saincte religion.

— Nous avons tant juré, » dist Oisille, « de dire la vérité que je ne sçaurois soustenir ceste partie. Et aussy, en faisant vostre compte, vous m’avez remys en mémoire une si piteuse histoire que je suis contraincte de la dire, pource que je suis voisine du païs où de mon temps elle est advenue & afin, mes Dames, que l’ypocrisie de ceulx qui s’estiment plus religieux que les autres ne vous enchante l’entendement de sorte que vostre foy, divertie de son droit chemin, estime trouver son salut en quelque autre créature que en Celluy seul qui n’a voulu avoir compaignon nostre création & rédemption, lequel est tout puissant pour nous saulver en la vie éternelle & en ceste temporelle nous consoler & délivrer de toutes noz tribulations, congnoissant que souvent l’Ange Sathan se transforme en Ange de lumière afin que l’œil extérieur, aveugle